Être un enfant atteint d’une intolérance alimentaire sans pour autant être mis de côté ? Ce devrait être normal, et pourtant, c’est loin d’être le cas. Qu’est-il mis en place dans les cantines scolaires pour les enfants ayant des problématiques alimentaires ?
Au quotidien, nous mangeons tous une grande variété d’aliments sans rencontrer pour autant de problèmes particuliers. Néanmoins, dans certains cas, un aliment ou ses composants peuvent entraîner une réaction allergique ou une intolérance alimentaire. Être atteint d’une intolérance alimentaire, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de l’incapacité de digérer ou d’absorber certaines composantes alimentaires. D’après le CREGG (Club de Réflexion des Cabinets et Groupes d’Hépato-Gastroentérologie) « L’intolérance alimentaire peut entraîner des symptômes ressemblant à l’allergie (nausées, vomissements, épigastralgies, diarrhées) mais elle ne met pas en cause le système immunitaire. Elle apparaît quand l’organisme n’arrive pas à digérer un aliment ou l’un des composants alimentaires. ». Il existe de multiples intolérances alimentaires, elles impliquent nécessairement un changement dans l’alimentation des personnes atteintes. Que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant, cette pathologie provoque de nombreuses contraintes au quotidien. Pour les enfants, ce sont nécessairement leurs parents qui doivent s’occuper de leur alimentation. Mais lorsque les enfants sont à l’école et que les parents ne sont pas là, la responsabilité revient à l’établissement dans lequel ils sont inscrits. L’article 186 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté a introduit au sein du code de l’éducation l’article L. 131-13, aux termes duquel : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Il devrait alors être normal que les enfants intolérants soient correctement pris en charge. Car, ils ne sont aucunement responsables de leur maladie. Les cantines scolaires sont des lieux investis par de nombreux enjeux, qu’ils soient d’ordres sociaux ou éducatifs, ils ne sont pas à prendre à la légère. Si l’on reprend les termes de la circulaire n° 2001-118 du 25 juin 2001 (NOR : MENE0101186), « Le repas de midi n’est pas seulement la prise de nutriments ou de calories. C’est aussi le moment où les élèves, après l’attention du matin, se détendent et où les échanges sociaux sont favorisés ». Ainsi, la restauration scolaire contribue aussi à la formation du goût et à l’éducation nutritionnelle, mais elle entretien aussi un lien étroit avec la socialisation des enfants à l’école. Alors que mettent en place les cantines pour aider les enfants ayant des intolérances alimentaires ? Quels sont les impacts subis au quotidien par ces enfants et leurs parents ?
Des mesures insuffisantes
À Angers, c’est Papillote et compagnie qui est chargé de distribuer les repas aux écoles et aux crèches. Cette entreprise créée en 1983 est une marque de la société publique locale Angers Loire Restauration. Chaques jours, des repas sont cuisinés par l’entreprise, ils sont ensuite refroidis et allotis pour être transportés vers les établissement le lendemain. Enfin, ils sont réchauffés sur place puis dégustés par les enfants. Tous les jours, c’est 13 000 enfants qui sont nourris par Papillote et compagnie et 83% des enfants scolarisé à Angers mangent à la cantine d’après les statistiques de l’entreprise. Pauline Vernin, salariée depuis 2017 en tant que chargée de mission en développement durable s’est exprimée à propos des différentes problématiques alimentaires dont certains enfants peuvent faire l’objet. Il y a trois cas de figures : l’éviction d’un ou des produits que l’enfant ne peut pas manger, les PAI qui sont des Protocoles d’Accueil Individualisées, puis, la dernière solution serait que l’enfant amène son repas qui serait réchauffé par les serveuses. Papillote et Compagnie propose également une fois par semaines un repas végétarien pour tous les enfants. Cette initiative a été prise suite à la Loi Egalim. Néanmoins, selon Laurent M, ces mesures ne sont pas à la hauteur ; « Je ne pense que du bien d’eux, ils font des choses très bien. Mais sur les intolérances, pour moi c’est insuffisant. ». Lui-même papa d’une petite fille atteinte d’une maladie cœliaque et inscrite dans une école d’Angers, il se trouve donc en première ligne de ce sujet.
Papillote et Compagnie propose de nombreux services qui visent à assurer une alimentation de qualité pour les enfants. Leurs projets d’entreprises consistants à s’approvisionner de manière importante en produit bio et locaux, à proposer des repas savoureux tout en diversifiant les source de protéines, à lutter contre le gaspillage alimentaire ou encore à réduire l’usage du plastique. Ces missions sont tout à fait en cohésion avec l’éducation alimentaire que chaque enfants devraient recevoir. Mais il est primordial de se préoccuper des minorités, qui n’ont pas choisis leurs situation comme c’est le cas pour ces enfants ayant des soucis alimentaires. Une idée affirmée par Laurent « Nous avons un peu l’impression que cette problématique est traitée à la légère car ça reste des cas assez marginaux pour eux. Mais ça ne correspond pas à ma conception de la République qui est censée aider les plus faibles, car ici nous sommes bien à l’école de la République. ». Ces enfants ne sont pas responsables de leur situation, ils devraient être aidés. Sous prétexte qu’ils soient un pourcentage infime du nombre d’élèves mangeant à la cantine, les mesures prises pour les aider sont moindres. En effet, Pauline Vernin déclare que « S’il s’agit d’un enfant qui est allergique au poisson les serveuses ne vont pas lui en mettre car elles ont une liste détaillée des enfants ayant des problématiques liées à l’alimentation. ». Cela signifie que l’enfant ne mangera pas la dose de protéines qui aurait dû lui être fourni. Mais pour les enfants ayant une intolérance alimentaire, il revient donc à la responsabilité des parents de s’occuper des repas que les cantines devrait être en mesure de donner à tous les enfant inscrits. Et pourtant, selon les dires de Laurent M, à Angers, les parents des enfants qui sont contraints d’apporter leur propre repas à la cantine payent un tiers du prix que payent un enfant ayant un régimes alimentaire normaux. Pour pouvoir faire réchauffer son plat au micro-onde et avoir une place assise avec ses camarades, il faut tout de même y mettre le prix.
Un quotidien bouleversé
Par manque de mesures prises par les écoles, les parents doivent agir seuls pour s’occuper eux-mêmes des repas du midi. Cela est contraignant d’après les dires de Laurent M ; « Tous les midis lorsque ma fille va à l’école, il faut lui préparer son repas. Cela paraît simple, mais devoir préparer une entrée, un plat et un dessert la veille pour le lendemain, c’est toute une logistique parentale qui est loin d’être facile. ». Ce qui ajoute des complications dans la vie de tous les jours, car au-delà des repas du midi, les proches des enfants intolérants doivent gérer un nombre incalculable de contraintes.
Au quotidien, la vie des parents et des familles de ces enfants se trouve bouleversée par de nombreuses obligations. Pour Karen Le Guillerm, maman parisienne d’Auxane, une petite fille atteinte d’intolérance au gluten ; « Tout ce qui est en dehors de la maison est source de stress quand il s’agit de manger … ». De nombreuses contraintes sont occasionnées, aussi bien financièrement, logistiquement ou socialement. Financièrement, car le sans gluten est bien plus chère que les produits qui en comportent. Automatiquement, un bon restaurant avec des plats sans gluten est alors plus onéreux. Les produits consommés pour cuisiner sans gluten sont des produits frais. Lorsque l’on veut ou que l’on doit manger sans gluten, on oublie les boites de conserves, les plats cuisinés ou encore les plats surgelés. Il faut prendre le temps de tout faire soi-même. Mais à côté de ça, socialement, Karen et sa famille font tous les jours face à l’incompréhension des gens. Le gluten se trouvant dans une grande majorité des produits industriels, faire ses courses devient une tâche compliquée. « Nous passons trois fois plus de temps à faire nos courses qu’avant. » a déclaré Karen. Il faut lire toutes les étiquettes, apprendre à ses proches à le faire aussi. Et finalement, changer l’alimentation de toute la famille ; « Pourquoi faire deux menus lorsque le sans gluten est très bon ? Certes c’est plus compliqué à gérer au quotidien, mais cela évite les contaminations croisées. ». La vigilance et l’implication de tout le cercle familial paraît alors indispensable pour le bien-être de l’enfant intolérant. Socialement, les intolérances alimentaires d’un enfant amènent également leurs lot de contraintes. Que ce soit pour aller au restaurant, se rendre chez des amis pour dîner, partir en vacances dans des hôtels ou encore faire des sorties culturelles (musés, zoo, …), la vie se complique automatiquement.
Les témoignages de Laurent M et de Karen Le Guillerm se rejoignent car ils font faces aux mêmes problématiques quotidiennes. Alors si même à l’école, lorsque les enfants intolérants sont censés être pris en charge à la même échelle que ceux n’ayant pas de problèmes alimentaires, la responsabilité revient encore à la famille, cela leur rajoute encore des complications.
Des répercussions sur la socialisation des enfants intolérants
L’alimentation est un facteur important dans le processus de socialisation de l’enfant. De ce fait, le temps du midi est un moment qui ne doit pas être prit à la légère. C’est celui où l’enfant se socialise en se retrouvant avec ses camarades. Où il apprend à connaître ses goûts, ses préférences alimentaires et de se fait, lui-même. Mais alors comment un enfant avec une problématique alimentaire vit-il ce moment ? Ne pas être comme tout le monde peut parfois avoir des effets négatifs sur l’intégration d’un enfant. Pour la fille de Karen, sa différence est un poids ; « Ma fille prend son intolérance comme une injustice, elle nous demande souvent pourquoi nous “l’avons faites sans gluten”. Elle nous dit qu’elle aurait voulu être “normale” et pouvoir manger comme tout le monde. Auxane se met parfois dans des états de colère en nous disant que sa situation “n’est pas juste”. ».
L’école primaire accueille les enfants à partir de l’âge de 2 ou 3 ans jusqu’à 11 ans, ce sont des âges très importants dans leur développement personnel. L’alimentation est essentielle dans la croissance et le développement psychomoteur des enfant, elle interfère grandement sur leurs capacités d’apprentissage. Leurs réussite scolaire et leur socialisation avec les autres entretient donc un lien étroit avec leur alimentation. Si l’on se réfère au rapport « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants » de Défenseur des droits ; « L’enfant est confronté à diverses sphères d’influence alimentaires dans lesquelles il puise pour définir ses préférences : parents, fratrie, amis, milieux scolaire et extrascolaire. […] Ces influences se rencontrent, parfois se contredisent, et pèsent sur la socialisation de l’enfant. ». En effet, les différentes sphères d’influences dans lesquels l’enfant est plongé, qu’il soit intolérant ou pas peuvent de par leurs contradictions peser sur sa socialisation. Mais pour un enfant victime d’une intolérance alimentaire, c’est d’autant plus compliqué. Le fait de ne pas manger comme tout le monde, de se sentir différent des autres, parfois même jugé peut interférer dans son développement. A ces âges, les enfants n’aiment pas se sentir différents, c’est ce qu’exprime Laurent M « Ma fille est à un âge où elle n’a pas envie de se faire remarquer. Elle n’est pas encore capable de tirer une fierté de cette différence. Je pense que dans 5 ans, elle pourra y arriver, mais aujourd’hui, elle veut se fondre dans la masse et on ne lui permet pas …».
L’accompagnement de tous les enfants lors du temps du midi est un enjeux considérable dans leur éducation. Les enfants atteints d’intolérances alimentaires ne doivent aucunement être oubliés. Néanmoins, les mesures prises aujourd’hui pour les aider sont insuffisantes. Les parents de ses enfants doivent alors tout mettre en oeuvre pour qu’ils puissent manger le midi. En plus des complication du quotidien liées à la maladie de leur enfants, ils doivent gérer ce que les établissement ne font pas. Être un enfant intolérant n’est pas facile, la différence est compliquée à gérer et souvent jugée par les autres. Il est donc important d’aider ses enfants afin que cette différence devienne infime.